Le
8 août 1914, Udalric Viet quitte son cantonnement et se dirige vers la
Belgique, il traverse MONTMEDY puis la frontière à Othe. Le 21 août, celui-ci
se dirige vers SOMMETHONE et le 22 août, il passe à BELLEFONTAINE et s’achemine
vers le premier combat. Avec son régiment, il traverse des champs et rencontre
une fusillade. Ils prennent la formation de combat sous les signes du capitaine
(petites colonnes largement espacées), leurs armes à la main et progressent
lentement; leurs artillerie prend position derrière eux et entre en action. Udalric Viet arrive sur une crête couverte d’une fumée blanche, baïonnette au
canon : « cela commence à devenir sérieux ». Les coups de canons
s’enchaînent mais leur position reste finalement calme. Tout à coup celui-ci
entend les clairons du 120eme régiment d’infanterie qui sonne la première charge
qui accompagne une contre attaque. Il n’a pas de notion de l’heure et entend
toujours les mêmes bruits (fusillades entrecoupées de sonneries de clairon).
Une sonnerie éclate à droite, c’est l’assaut!!! Les Allemands semblent surpris
de la rapidité de leur intervention, les balles sifflent. Udalric et son
régiment abandonnent le pas de charge et abordent les Allemands au milieu de la
fumée. Sous la violence du choc la ligne ennemie plie pour enfin reculer.
Udalric donne son premier coup de
baïonnette, l’allemand crispe sa main sur le fusil et s’effondre. Ses camarades lui diront, plus tard, qu’il était pâle: « il y avait de quoi ». Les tirs de
l’artillerie ne ralentissent pas, des tireurs prennent leur position à genoux
et ouvrent le feu à volonté. A midi rien ne se passe, ils marchent lentement
dans des champs de blés autours de cadavres des deux camps et de blessés qui
demandent à boire, les balles continuant de siffler autour d’eux. Tout à coup
Udalric ressent un choc brutal à la nuque puis tombe sur le côté, figure contre
le sol: « j’ai l’impression que l’on me verse de l’eau tiède dans le cou, ma
main droite est couverte de sang ». Il essaie de se débarrasser d’une partie
de son équipement (sac et musette) et celui-ci s’aperçoit qu’il a reçu une
balle dans le haut du dos. Il est hors combat, il reste à terre: « je ne suis
pas solide, j’ai perdu beaucoup de sang, j’ai une soif terrible et plus d’eau ».
Le lieutenant TOURET passe près de lui, lui aussi blessé à la main, il s’assoit
et lui demande de lui faire un pansement à la main, mais un obus de faible
calibre éclate à proximité de leur groupe. Udalric est frappé du côté droit
mais heureusement l’éclat est stoppé par sa cartouchière, ce qui lui coupe la
respiration. Le lieutenant TOURET, lui, est grièvement touché. Udalric se débarrasse
de sa cartouchière et reste allongé à terre, il est rejoint par Clairon le
chien de la compagnie lui aussi blessé. Ils restent tout deux pendant plusieurs
heures dans la même position. Mais il décide de ne pas abandonner, il se relève
et marche à travers les cadavres et blessées pour rejoindre le poste de
commandement. Il passe la nuit du 22 au 23 août dans une ferme pour être
conduit dans l'église de HAGE, où il
est nettoyé (celui ci était couvert de
terre et de sang coagulé) et soigné, on le badigeonnera de teinture d'iode et
on bandera sa poitrine et son dos. Udalric est ensuite transporté à MONTMEDY
sur la place où se trouvent d'autres blessés. Le 24 août il prendra alors son
premier repas depuis le 21 août. Puis il sera acheminé dans un wagon de
marchandises avec d'autres soldats blessés et il se rendra à la gare de SEDAN
et reprendra un autre train pour REIMS puis PARIS où à chaque arrêt lui et les
autres soldats sont acclamés par la population et où des cigarettes et des
gâteaux leurs sont distribués.
Il
finira par débarquer à LISIEUX le 25 août au matin où il sera dirigé vers
l’hôpital temporaire n°29.
Udalric Viet en 1914 |
Ce récit de bataille est le plus long du carnet. Il montre bien les conditions de combat en août 1914: l'armée française va à la rencontre des Allemands en Belgique et les soldats partent à la recherche de l'ennemi à travers les champs. L'assaut se fait encore au clairon et à la baïonnette. C'est avec cette arme qu'Udalric tue son premier Allemand. L'artillerie est aussi importante: Udalric entend des détonations et les échanges d'obus. Enfin, Udalric reçut deux blessures lors de cet engagement: une balle dans le dos, puis un éclat d'obus. Il doit se rendre lui-même au poste de secours alors qu'il a perdu beaucoup de sang et la prise en charge des blessés est longue. Les médecins utilisent pour désinfecter ses blessures de la teinture d'iode, seul moyen efficace pour nettoyer les plaies. Enfin, il est évacué vers l'arrière et arrive à l'hôpital de Lisieux trois jours après le combat...
Marie
Labouré , 601
LES BLESSURES D'UDALRIC VIET
Uldaric Viet a été blessé 9 fois lors des
combats entre août 1914 et octobre 1918: il a eu 3 blessures par obus
(éclats), une par balle, une série de contusions liée à son ensevelissement en
Alsace en 1915 (le blockhaus qu’il attaquait a explosé et Udalric s’est
retrouvé sous les débris) et 4 fois par intoxication au gaz en 1918, entre
février et octobre. Ce dernier type de blessure correspond bien à la période
durant laquelle les Allemands utilisent massivement les gaz (75% DES OBUS
ALLEMANDS SONT DES OBUS A GAZ à cette époque) pour gêner la vision des soldats
qui possèdent un masque à gaz, pénible à porter au bout d’un moment. On
remarque aussi les blessures par éclat d’obus : ce fut le rôle de l'artillerie
qui a provoqué 70% des morts de la Grande Guerre.
Une lettre écrite par sa femme, le 17 janvier 1941, souligne qu'Udalric souffrit de séquelles de ses blessures : la balle reçue en août 1914 ne fut jamais extraite et il devait éviter tout amaigrissement en suivant un régime spécial; ses intoxications par gaz provoquèrent des troubles nécessitant plusieurs hospitalisations après 1918 (notamment en 1919 à Constantinople) et il souffrit aussi de grandes fatigues et de douleurs rénales liés aux contusions multiples reçues lors de la Grande Guerre.
Le carnet montre aussi l'évolution de la prise en charge des blessés lors de la guerre: en 1914, les services de santé sont débordés par l'afflux massif de blessés. Après, dès 1915, Udalric constate les progrès dans les évacuations et les soins reçus malgré le fait que le blessé doit rejoindre lui-même le poste de secours sur le champ de bataille. En Alsace, il est évacué par mulet vers l'hôpital (1915), dans la Somme (1916), une infirmière canadienne le prend en charge dans son ambulance automobile. Les salles des hôpitaux sont très propres et les infirmières attentionnées, pour les soins et les repas, de même que les personnes qui "offrent" leurs demeures aux blessés de guerre comme la marquise de Chambrun.
Amara Camara et Lucas
della Chiesa (601)